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2022

A travers ses différentes œuvres, Alexandre Lichtblau a peint sa vision des rapports entre l’individu et la foule et plus particulièrement la désindividualisation que cette dernière entraîne. Cette série est construite comme une montée en puissance, qui commence par la perte de repères de ses personnages pour atteindre un point culminant proche de la folie et de l’effacement de soi avant de revenir à un état de sérénité dans la solitude. L’artiste n’écarte cependant pas la faculté de l’homme à rester lucide au milieu des foules comme en témoignent les regards pénétrants de certains de ses personnages qui cherchent à rejoindre le spectateur dans la réalité.

L’exposition commence par une collection de portraits mélangeant personnages communs à des célébrites. Ces derniers perdent leur sacralité transformant l’ensemble en une compilation de visages humains interchangeables. L’artiste dissèque ensuite en trente-cinq temps le séquencement de la perte de repères, de chaos émotionnel et de folie presque comique de l’homme assailli par ce qui l’entoure. A mi-chemin, le spectateur rencontre l’expression de l’individu dans la foule avec le cri rageur d’une jeune femme au poing fermé revendicateur entraînant ceux qui l’entourent à suivre, subir, angoisser ou ignorer. Ici, malgré la diversité des sexes, des âges, des ethnies et des genres, tous sont enfermés derrière une toile de verre, obligés malgré eux de vivre ensemble. Certains détournent le regard quand d’autres appellent le spectateur à la libération. Dans le prolongement de cette cage humaine, on rencontre un rassemblement où tous les individus vivent dans leur monde, entourés mais seuls, et où se détachent deux regards calmes de personnages s’extrayant de la masse par leur ancrage dans la réalité et l’attention portée à l’autre. Apparaissent alors à l’aube, trois filles ou bien une seule, interrogeant le spectateur, deux regards portés vers le passé à se remémorer, à rechercher. Elles rentrent, rassérénées. Arrive enfin la dispersion de la foule dans la brume avec une suite de trois tableaux où les individus se séparent pour revenir à leur réalité. Ca et là quelques petites silhouettes qui laissent derrièrère elles un brouillard confus d’évènements.

Dans ce voyage à travers la foule, Alexandre Lichtblau fait vivre à ses spectateurs une expérience presque physique où l’anxiété de la désincarnation se mêle à l’espoir de l’individualisation. Ses œuvres sont réfléchies, variées, aucune règle stricte n’enferme l’artiste, il ressent et s’exprime dans différents styles tout en maintenant une cohérence d’ensemble à travers sa touche de plus en plus affirmée. Sa sincérité et son intuition de la psychologie humaine qui se manifestent à travers tous ses tableaux ne laisseront probablement pas les spectateurs indifférents. Agoraphobes rassurez-vous, la foule est piégée dans les œuvres !

Joseph Fedou

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